Discours d’ouverture de Simon Stiell : Nous ne pouvons pas nous permettre de pauses, de détours ou de faux pas à mi-parcours dans la trajectoire climatique de l’humanité
29 mai 2024
Discours de l’ONU Changements Climatiques
UN Climate Change Executive Secretary Simon Stiell delivers his opening speech at the June Climate Meetings.
Credit: UN Climate Change: Amira Grotendiek

Chers amis, au nom de mes collègues du secrétariat, je vous souhaite à toutes et à tous une très chaleureuse bienvenue.

Nous avons beaucoup de travail devant nous, donc permettez-moi d’entrer directement dans le vif du sujet.

On parle souvent de l’architecture de l’Accord de Paris, que toutes vos nations ont collectivement créée et approuvée. Je préfère considérer son ingénierie.

La phase de conception est achevée, et notre tâche consiste désormais à mettre la machinerie en marche, pleinement et équitablement.

Nous avons besoin – et c’est essentiel – que chaque partie de cette machinerie fonctionne pleinement et de manière cohérente.

Concrètement, qu’est-ce que cela implique pour vous et votre travail, ici à Bonn ? Permettez-moi d’aborder quelques enjeux clés.

 

Sur le financement :

Tout d’abord, nous devons faire des avancées décisives en matière de financement, le grand facilitateur de l’action climatique.

Ici à Bonn, je vous exhorte à passer d’un projet zéro à des options concrètes pour un nouvel objectif chiffré collectif pour le financement de l’action climatique.

Nous ne pouvons pas nous permettre d’arriver à Bakou avec encore trop de travail restant à accomplir. S’il-vous-plaît, utilisez chaque heure passée ici à bon escient.

Nous avons besoin d’un financement accru pour l’action climatique, alors même que nous négocions un futur objectif. Les progrès réalisés sur l’un permettent d’avancer sur l’autre.

Les nouveaux dons et les financements à des conditions favorables pour les pays en développement doivent être accompagnés de réformes financières mondiales qui permettent d’alléger la dette et d’obtenir des financements abordables, ainsi que des sources de financement nouvelles et novatrices, en marge de notre processus.

Nous devons aussi avancer vers des marchés du carbones améliorés, en progressant sur l’Article 6, ici à Bonn… 

Le bon fonctionnement de ces marchés peut permettre de mobiliser davantage de fonds pour les plans d’action climatique nationaux et l’adaptation...

C’est pourquoi nous rassemblons les Parties et d’autres acteurs durant ces réunions, pour parvenir à un consensus sur la marche à suivre lors de la COP29.

 

Sur les Contributions déterminées au niveau national (CDN) :

Ce nouveau cycle de plans d’action climatique nationaux – les CDN 3.0 – figureront parmi les documents politiques les plus importants produits jusqu’à présent au cours de ce siècle.

Les CDN ne visent pas seulement à éviter les catastrophes en réduisant les émissions...

Bien conçues, elles peuvent servir de modèles puissants pour propulser chacune de vos économies et de vos sociétés en avant, et promouvoir davantage de résilience et d’opportunités, une meilleure santé humaine et un niveau de vie plus élevé.

Ces plans doivent être plus audacieux, plus ambitieux, et doivent permettre de combler les écarts de mise en œuvre, en s’appuyant sur ce qui a déjà été accompli.

Ils doivent être élargis, pour couvrir les économies dans leur ensemble et tous les gaz à effet de serre, et être alignés avec l’objectif de 1,5 degré.

Et les avantages associés doivent bénéficier à tous, y compris aux femmes, aux peuples autochtones, aux jeunes et aux populations les plus vulnérables aux conséquences des changements climatiques qui sévissent actuellement.

Il n‎’y pas une solution unique ; après tout, ces contributions sont déterminées au niveau national.

Et nous savons que plusieurs Parties auront besoin de soutien pour les élaborer, en particulier les nations les plus vulnérables.

Le secrétariat, en coopération avec l’ensemble du système des Nations Unies et nos partenaires, travaille sans relâche pour fournir les outils pratiques utiles à cet égard.

L’initiative Climate Promise du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) est une composante centrale des mesures pratiques du système des Nations Unies pour soutenir les Parties.

La semaine prochaine, nous lancerons également notre Navigateur CDN 3.0 (NDC 3.0 Navigator en anglais), développé avec le Partenariat CDN (NDC Partnership), pour aider les Parties à accéder aux informations, aux outils et aux contacts qui peuvent les aider à développer de nouvelles CDN axées sur la mise en œuvre concrète.

 

Sur la transparence :

Dans le cadre de l’Accord de Paris, les Parties ont convenu de soumettre leurs premiers rapports biennaux au titre de la transparence cette année.

Ces rapports aideront les Parties à construire une base solide et probante pour davantage d’ambition.

Ils enverront également un signal clair aux donateurs et aux investisseurs, quant à l’échelle des opportunités, ainsi qu’aux besoins.

Nous sommes en bonne voie pour finaliser l’outil de reddition de comptes, afin qu’il soit mis à la disposition de toutes les Parties d’ici le 30 juin, comme prévu.

J’en appelle à toutes les Parties : ne laissons pas la perfection devenir l’ennemi du bien pour la soumission de ce premier cycle de rapports cette année.

Nous sommes là pour vous aider dans cette première étape cruciale, en particulier à travers un renforcement des capacités considérable, et nous travaillerons avec vous pour améliorer ces rapports au fil du temps.

 

Sur les impacts et l’adaptation :

 

Les effets des changements climatiques ne sont pas des événements isolés.

Ils transcendent les frontières politiques, nuisent aux économies et provoquent des bouleversements en cascade au sein de nos sociétés et de notre culture, les enfants et les populations les plus vulnérables étant les premiers impactés.

C’est pourquoi chaque Partie a besoin d’un plan national d’adaptation couvrant chaque secteur de l’économie et s’appliquant à l’ensemble de nos sociétés.

Il est temps de repenser les plans nationaux d’adaptation, et de se pencher sur les façons dont ils peuvent être améliorés.

Une façon claire est de les concevoir dans la perspective de mobiliser beaucoup plus de financement et de soutien pour l’adaptation.

A ce jour, seules 57 Parties – seulement 57 – ont élaboré un plan. Ce nombre doit augmenter considérablement d’ici notre prochaine réunion à Bakou.

Nous avons besoin que chaque pays dispose d’un plan d’ici 2025, et avance dans sa mise en œuvre d’ici 2030.

 

Société civile et inclusivité

La tâche à accomplir consiste à faire fonctionner pleinement la machine de l’action climatique, mais aussi de manière sûre et juste, afin que les bénéfices soient distribués équitablement à travers une transition juste.

Le rôle de la société civile est essentiel. Pour garantir que toutes les voix puissent être entendues, et pour veiller à ce que nous tenions tous nos engagements.

Et si nous souhaitons laisser le statu quo derrière nous, l’égalité des genres et l’action climatique doivent avancer conjointement, pour réaliser pleinement leur potentiel transformatif.

Nous continuerons à jouer notre rôle afin de garantir un espace sûr pour une participation effective et inclusive.

 

Budget et processus

Collectivement, les Parties nous ont demandé d’organiser environ 20% d’événements mandatés supplémentaires durant ces sessions de juin, par rapport à l’année dernière. Et chaque année, le nombre de nos mandats augmente.

Nous nous félicitons de la confiance accordée au processus et à notre capacité à fournir des services de soutien de qualité.

Cependant, les contributions financières n’ont pas augmenté pour accompagner ces mandats toujours plus nombreux, et plusieurs des engagements de financement existants n’ont pas été tenus dans les délais. Cette approche a ses limites d’un point de vue logique et humain, et entraine des coûts croissants.

Je salue le progrès de ces derniers mois afin de combler certaines de ces lacunes, notamment pour faire en sorte que toutes les Parties, en particulier celles vulnérables aux changements climatiques, soient représentées ici à Bonn.

Mais nous avons toujours besoin de financements durables et constants afin de répondre à tous vos besoins et aux mandats de plus en plus nombreux.

 

Conclusion

Pour conclure, chers amis,

Pour nous tous, qui œuvrons pour répondre aux changements climatiques chaque jour de l’année, il y a de nombreux obstacles à surmonter. Il peut y avoir des jours où nous nous sentons découragés...

Mais je voudrais vous proposer un contrepoint, dans l’espoir de vous insuffler un élan prometteur alors que nous commençons ces réunions.

Nous pouvons être fiers de vos accomplissements et de ceux de vos homologues ces trois dernières décennies, dans le cadre de ce processus des Nations Unies : ils nous inspirent une détermination renouvelée.

Sans coopération internationale sous l’égide des Nations Unies, nous serions condamnés à un scénario de réchauffement mondial allant jusqu’à 5 degrés, auquel la majorité de l’humanité ne survivrait sans doute pas.

Actuellement, nous nous dirigeons vers 2,7 degrés environ. Cette trajectoire est encore désastreusement élevée, et il reste un long chemin escarpé devant nous pour atteindre notre objectif commun de 1,5 degré ce siècle, mais nous devons être encouragés à l’approche de la mi-chemin.

Il est évident que la deuxième moitié de la trajectoire climatique de l’humanité sera encore plus difficile, et l’action climatique devra avancer beaucoup, beaucoup plus rapidement...

Donc nous ne pouvons pas nous permettre de faire des pauses ou des détours à mi-parcours dans cette trajectoire climatique de l’humanité…

Et nous ne pouvons absolument pas nous permettre de faux pas au cours des 10 prochains jours, ni de faire stagner le progrès mondial en matière de climat au cours de cette année et au-delà.

Cela demande la confiance et le respect mutuel de chacun d’entre nous. L’adhésion totale au Code de conduite est essentielle, sans aucune exception.

Les désaccords, dans le respect, font partie intégrante du processus, mais ils ne doivent pas devenir l’une de ses caractéristiques principales, ni son résultat.

Je vous invite à unir vos forces et à surmonter les divergences. Ce n’est pas le moment « d’essayer d’essayer », mais bien de trouver des solutions et tracer des voies pour aller de l’avant.

Et c’est maintenant un privilège pour moi que de remettre le processus entre les mains des co-Présidents.

Je vous remercie.