Simon Stiell : Le coût de l’inaction est bien supérieur au coût de l’action
12 octobre 2022
Article
Simon Stiell, sixième secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques ONU
Simon Stiell, sixième secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques ONU

En novembre 2022, des dirigeants et des représentants de nombreux secteurs de la société – gouvernements, villes, entreprises, société civile et militants pour le climat – se réuniront lors de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, ou COP27, dans la ville côtière égyptienne de Charm el-Cheikh. 

« Nous sommes ressortis de Paris, de la COP21, avec un accord historique qui a défini le cadre des actions à mener. Puis, à Glasgow l’année dernière, nous avons trouvé un accord sur la manière de procéder », a résumé Simon Stiell, sixième secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC ou United Nations Climate Change).  

« Nous comptons maintenant les jours avant la COP27 à Charm el-Cheikh, où il s’agira d’agir concrètement, de se saisir du cadre clairement défini et de le mettre en œuvre. 

L’année 2022 marque le septième anniversaire de l’adoption de l’Accord de Paris sur le changement climatique, un traité international historique pour la lutte contre la crise climatique. L’accord prévoit des mesures visant à limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2 °C au-dessus du niveau préindustriel et à s’efforcer de le limiter à 1,5 °C. Pour y parvenir, le monde doit diviser par deux ses émissions de carbone d’ici 2030. 

« Même aujourd’hui, à 1,1 °C, de nombreuses communautés dans le monde, des pays vulnérables, sont en difficulté. Et ces difficultés vont continuer à s’aggraver, même si nous atteignons ce nombre magique de 1,5 °C. Le monde dans lequel nous vivons est beaucoup plus chaud et les phénomènes météorologiques extrêmes et leurs conséquences resteront considérables. La nécessité de s’adapter à cet environnement changeant est donc la priorité numéro un, en tout cas pour les pays vulnérables au changement climatique », prévient Simon Stiell, qui n’ignore rien effets dévastateurs du changement climatique.  

Avant de rejoindre la CCNUCC, M. Stiell a occupé le poste de Ministre de la résilience climatique et de l’environnement de la Grenade – l’un des nombreux pays et communautés des Caraïbes où le changement climatique constitue toujours une menace existentielle. En 2004, l’ouragan Ivan a causé des dommages représentant plus de 200 % du PIB de l’île. L’année suivante, l’ouragan Emily a décuplé les coûts, selon le Fonds monétaire international

« La Grenade n’avait pas connu d’ouragan depuis près de 50 ans et, en l’espace de 10 mois seulement, deux ouragans sont passés et ont dévasté l’île », a expliqué M. Stiell. 

« Toutes ces années plus tard, l’économie, le fonctionnement du pays sont toujours marqués par les conséquences économiques de ces deux ouragans traumatisants. L’histoire de la Grenade n’est pas différente de celle des autres îles, et nous pouvons parcourir la liste des noms d’ouragans – Ivan, Emily, Irma, Maria, Dorian – les noms ne cessent de s’accumuler. »

 « Ce n’est pas qu’une question de géographie. Il s’agit des personnes. Il s’agit des communautés, du mode de vie des gens. Chaque visage a un nom et tout cela est menacé », a-t-il ajouté.

 

Le coût de l’inaction

Selon le Bureau des Nations Unies pour la prévention des catastrophes, le nombre de catastrophes naturelles liées au climat a plus que doublé au cours de la dernière décennie, par rapport aux années 1980. Les inondations, par exemple, ont augmenté de 134 % depuis 2000, selon l’Organisation météorologique mondiale. De 2000 à 2019, près de 6 700 catastrophes ont coûté la vie à plus d’un million de personnes, touché 4,2 millions de personnes et causé près de 3 000 milliards de dollars de pertes économiques mondiales. 

« Il n’y a tout simplement pas assez d’efforts, pas assez d’ambition, pas assez d’action pour le moment. Nous continuons donc à voir les émissions augmenter, les températures s’élever et nous devons nous concentrer sur l’adaptation à cette évolution des conditions », a déclaré le secrétaire exécutif, ajoutant qu’en dépit des preuves scientifiques accablantes selon lesquelles les catastrophes naturelles sont de plus en plus fréquentes et de plus en plus graves en raison du changement climatique, « les pays continuent à faire ce qu’ils ne devraient pas faire : cette dépendance à l’égard des combustibles fossiles, nos modes de production et de consommation ne sont pas durables ».

« Le changement climatique ne respecte pas les frontières et les limites, il ne respecte pas les cycles électoraux politiques. En revanche, il a bel et bien une incidence sur la vie des gens dans le monde entier », a-t-il ajouté.

« Ce n’est pas seulement une question de morale, ce n’est pas seulement une question d’écologie. C’est une question de bon sens économique, et le coût de l’inaction est bien plus élevé que celui de l’action. »

La Commission mondiale sur l’adaptation (Global Commission on Adaptation) estime qu’un investissement de 1 800 milliards de dollars américains entre 2020 et 2030 pourrait générer 7 100 milliards de dollars de bénéfices nets totaux dans cinq domaines – notamment les systèmes d’alerte précoce, des infrastructures résilientes face au climat et des ressources en eau plus résilientes – et sauver d’innombrables vies et moyens de subsistance. 

« Mais alors que la température continue de monter, notre capacité d’adaptation est limitée. Comment se protéger d’un ouragan de catégorie 5 ? À mesure que nous atteignons ces limites, il faudra dépenser plus pour faire face aux pertes et aux dommages causés par ces événements. Mais encore une fois, la responsabilité, les mesures à prendre, les recommandations sont connues de tous. »

« Il s’agit simplement de retrouver cette volonté et de se concentrer sur la résolution du problème. Autre point remarquable, le changement climatique ne fait plus simplement la une des journaux dans les États vulnérables », a ajouté M. Stiell. 

Aujourd’hui, les conséquences du changement climatique se font sentir partout dans le monde : inondations historiques en Asie, sécheresse et famine impitoyables dans la Corne de l’Afrique, canicules meurtrières en Europe et incendies dévastateurs à travers les Amériques et l’Australie.    

« Il ne nous reste que huit COP pour atteindre ces grands objectifs de 2030. Ainsi, chaque COP compte », a résumé Simon Stiell. 

« La tâche qui nous attend est absolument immense, mais elle est encore réalisable. Faire les bons choix, qu’il s’agisse des pays, des gouvernements, des entreprises, des communautés ou de nous en tant qu’individus – les choix sont devant nous. »

article initialement publié par ONU Infos