Elyx : un petit dessin pour un grand dessein
5 février 2019
Entretien
Elyx and Yak
Elyx and Yak
Elyx: When a Sketch is Better than a Big Speech

Elyx est un personnage dessiné, créé par l’artiste numérique français YAK, Yacine Ait Kaci, en 2011. Personnalité à part entière sur les réseaux sociaux, Elyx est devenu le premier ambassadeur digital des Nations Unies en 2015 et fait la promotion des Objectifs de Développement Durable (ODD). Tout en délicatesse et ne se départissant que rarement de son large sourire, le messager universel des idéaux des Nations Unies interroge, émeut mais n’accuse jamais personne. Avec près de 111 000 fans sur Instagram, 48 000 abonnés sur Facebook, et quasiment 9 000 sur Twitter, l’engouement pour ce petit personnage plein de poésie ne cesse de croître.

Entretien avec Elise d'Epenoux.

Qui est Elyx ?

Elyx est né en 2011. C’est le croisement de multiples paramètres qui s’alignent au bon moment, liés à ma carrière précédente, la création digitale avec mon label Electronic Shadows. J’ai eu la volonté de travailler sur un personnage qui soit complètement universel. Que n’importe qui puisse comprendre. Qu’il soit à la fois très graphique et avec mon algorithme : qu’il y ait le moins de traits, de caractéristiques possibles pour avoir un maximum de possibilité d’expressions et d’actions, de mouvements et qu’il soit très très souple ; que ce ne soit ni un homme, ni une femme, ni un français, ni un chinois, ni un vieux, ni un petit etc. Que ce soit un esprit, et que son essence même soit d’être un dessin. Elyx n’est pas une représentation dessinée d’un être humain comme peuvent l’être les comics.

Pourquoi le dessin ? Parce que ça fait partie des trois points communs que n’importe quelle personne partage sur la planète. Moi j’en ai identifié trois : le dessin c’est le premier parce que tout le monde a dessiné en étant enfant, et c’était une des premières formes de langage, donc on y est très réactif : quand on voit un dessin c’est comme une madeleine de Proust : ça nous renvoie à nos propres dessins, il y a une connexion directe qui se crée.

La deuxième chose c’est l’enfance : nous avons tous été des enfants et nous avons tous un bouton magique quelque part : quand on appuie dessus on a le même regard émerveillé que quand on avait 5 ans.

Le troisième point commun - et de fait sa caractéristique principale - c’est le sourire. Le sourire c’est aussi une forme de langage qui porte en elle une autre forme de langage. Quand on ne voit pas Elyx sourire, c’est que c’est LE sujet. Sinon il est tout le temps souriant. Et il a toujours cette posture : les mains grandes ouvertes, le contraire des poings fermés. Même s’il peut aussi avoir aussi les mains fermées ou arrêter un mouvement par exemple.

Avec cette posture et son large sourire il nous invite. Tout le monde est bienvenu. Il ne peut pas faire peur. On a envie d’y aller.

Comment un simple dessin d’Elyx peut-il parler au monde et que signifie son nom ?

La première chose qui était évidente, c’est qu’il fallait confronter son graphisme avec la complexité du monde. Donc ça voulait dire que je le prenais en photo, dessiné, mais mis en scène dans la réalité, et lui interagissait avec la réalité. C’était l’astuce d’Elyx qui n’existait pas à ce moment-là !

Un jour, j’étais en balade dans un parc ornithologique en Indonésie. Je faisais un dessin d’Elyx, et un oiseau commence à lui donner des coups de bec. J’entends rire derrière moi. C’était une famille indonésienne. Un univers nous séparait mais ils rigolaient tous. Ils me prennent le carnet des mains, font des photos avec Elyx, rigolent tous ensemble, me rendent le carnet et s’en vont. Là je venais de partager un moment de pure bienveillance, totalement gratuit. Je me suis dit : on vient de créer du lien.

Puis en créant un compte spécifique pour Elyx, sur Twitter en l’occurrence, il avait vocation à devenir une personnalité virtuelle. Il était mis au même niveau que n’importe quelle personne qui va créer un compte Instagram ou Facebook. Et les gens m’en parlaient comme s’il existait.

Quant à son nom : c’est la convergence de plein de choses. « Helix » c’est le mot « hélice » en anglais, mais c’est aussi l’hélice de l’ADN. Et le YX ce sont les chromosomes XY. Donc l’idée c’était de dire : Elyx, c’est ce qu’il y a en chacun de nous.

Graphiquement, le sourire d’Elyx se situe sur une ligne qui est à l’extrême opposé des larmes. C’est un langage non verbal qui va représenter l’espoir. C’est toujours un équilibre avec lui : être à la fois très fragile, léger, mais très puissant en même temps, et potentiellement très fort dans ce qu’il va pouvoir raconter. C’est un équilibre permanent : faire quelque chose avec peu de moyens apparents mais pour avoir, potentiellement, une portée mondiale.

Pourquoi avoir créé la Fondation Elyx ?

J’ai créé la Fondation Elyx en 2018. Il fallait créer une maison à même de répondre aux demandes que je recevais mais aussi être force de proposition et institution en soi. Son objectif est de promouvoir les textes et les valeurs des Nations Unies auprès des organisations et du grand public, mais aussi de replacer la culture au centre du bien commun.

Dans cette Fondation on continue donc ce travail de développer, de faire croître, de partager les valeurs universelles et les contenus des Nations Unies sur la Déclaration des droits de l’Homme, les Objectifs de Développement Durable (ODD), et toutes les causes attenantes, avec un focus très important sur les ODD 13, 14 et 15 - le trio climat, (13 : Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques, 14 : Vie aquatique, 15 : Vie terrestre) sur lequel je me suis très impliqué.

L’objet de la Fondation c’est donc aussi de dire que la culture, au-delà de sa dimension pédagogique ou divertissante c’est aussi un objet de lien, qui permet de travailler sur ce qu’on a en commun. Elyx c’est un objet culturel qui aujourd’hui fait de la diplomatie. Mais on ne voit pas nécessairement l’un dans l’autre. C’est pour ça qu’Elyx peut passer des portes qui sont difficiles à franchir, qu’on arrive à embellir certains messages et à les rendre plus attractifs. Elyx c’est donc toutes les cultures : cultures du monde mais aussi formes culturelles – cinéma, théâtre, mode…

Quelle est l’actualité d’Elyx en 2019 ?

Nous avons entendu l’appel d’António Guterres l’année dernière sur le fait qu’il nous reste deux ans pour agir. Donc on voit le sablier qui s’écoule dramatiquement ! Toutes les nouvelles qu’on a sur le front du climat sont de plus en plus catastrophiques : la disparition de la banquise, la fonte du permafrost, le dernier rapport du GIEC sur 1,5 °C… c’est l’urgence absolue. Comme ça fait 10-15 ans qu’on tire la sonnette d’alarme, le problème, c’est quand il y a une super sonnette d’alarme, on ne l’entend même plus.

Le sommet climat de l’ONU en septembre 2019 va de nouveau tirer la sonnette d’alarme et essayer d’obliger les États à se positionner et à apporter une réponse valable. Le thème de l’année « Une course à gagner » c’est une mission (forcément !) pour Elyx ! Alors cette course qu’on peut gagner, on va lui donner corps avec La Course pour le climat d’Elyx (Elyx Climate Race). L’idée c’est de (re)partir autour du monde (comme en 2015), d’inclure aussi les citoyens et d’avoir une double démarche : d’abord de symboliser cette course avec un kit qui permet à tout un chacun de se prendre en photo avec huit dessins d’Elyx en train de courir. Les huit étapes de l’animation de la course d’Elyx mises bout à bout produisent un effet d’Elyx courant comme dans un dessin animé ou un flip-book, avec la personne qui tient les dessins en arrière-plan, et qui peut bouger elle aussi. Elyx sera pris en train de courir à travers le monde donc le décor changera à chaque fois. Il pourra, par exemple, commencer sa course à Bonn devant le siège de la CCNUCC ! Puis aller au Ghana etc. Et ça sera le tour du monde avec la plus petite empreinte écologique possible !

Nous allons démarrer cette course le 22 avril, le Jour de la Terre, et arriver à New York le 22 septembre, de manière détournée, car le rêve, l’objectif ultime, serait d’envoyer Elyx dans la Station spatiale internationale, de partir même de Baïkonour en fusée et qu’on puisse voir l’animation des huit dessins d’Elyx sur une tablette d’astronaute dans l’ISS. L’idée c’est de voir la terre depuis l’espace. La Terre, notre grand vaisseau spatial sur lequel nous sommes en train de faire ce grand voyage tous ensemble dans l’univers… mais on ne se rend pas compte que nous sommes tous en train de donner des coups de marteau dans la coque et que l’eau commence à s’engouffrer ! L’idéal serait donc de terminer ce tour du monde là-haut, en envoyant ce message à New York pour le 22 septembre, à l’ouverture du Sommet de l’ONU sur le climat.

Elyx sert à ça : rendre compréhensible. Que n’importe qui puisse se l’approprier et que dans la forme, on ait cette bienveillance, cette solidarité, ce partage de quelque chose dont on aura besoin pour colmater les fuites de notre vaisseau et pour s’organiser dans notre monde nouveau qui va émerger de cette transition dont certains aspects seront catastrophiques et d’autres ne reposent que sur l’humanité et la façon dont elle arrivera à s’organiser.

Qu’est-ce qu’Elyx peut apporter à l’Accord de Paris ?

J’étais au Bourget lors de la COP21, lors de ce moment historique ! Elyx c’est vraiment du plaidoyer doux, c’est du softpower, une douce pression positive qui n’est pas dans une confrontation directe.

Il n’y a pas d’autres solutions que de modifier nos systèmes de production, d’alimentation… car si l’autre issue est catastrophique, celle-ci n’est pas forcément douloureuse. Il faut la raconter, l’accompagner et donc Elyx peut contribuer à ça.

C’est avant tout une bataille culturelle ça veut dire qu’on doit modifier en très peu de temps des comportements d’une vie, des comportements culturels qu’on met parfois des générations à changer. Le fait de passer d’un mode de consommation à un autre, d’un mode de transport à un autre ça ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut mettre en place de nouveaux leviers économiques qui mettront plus en avant une dimension immatérielle, le travail de la terre qui fait qu’on va produire différemment… il y a des milliers de choses à inventer.

On a de la chance d’appartenir à cette génération que j’appelle « Génération Régénération », une génération qui va à la fois régénérer son environnement et du coup travailler sur des relations humaines renouvelées, basées sur d’autres valeurs. Donc Elyx, mais aussi plein d’autres acteurs politiques, culturels, scientifiques, philosophiques, ont cette mission de contribuer à dessiner, écrire ce nouveau monde et d’opérer cette transition sans violence.

Pour en savoir plus sur la Fondation Elyx cliquez ici

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